Afin d'appuyer leurs accusations de "génocide" contre l'Empire Ottoman, les propagandistes Arméniens proclament depuis peu que les Turcs ont toujours" maltraité les non-musulmans et plus particulièrement les Arméniens. Il leur serait en effet difficile d'expliquer autrement pourquoi les Turcs, qui avaient vécu paisiblement côte à côte avec les Arméniens pendant plusieurs siècles, se seraient soudain soulevés afin de les massacrer tous. De plus, les Arméniens ont essayé d'assimiler la souveraineté Turque à une lutte constante entre Christianisme et Islam pour faire accepter plus facilement dans le monde chrétien moderne leur propagande contre les Turcs.
Or, l'histoire prouve abondamment que ces affirmations sont fausses. Nous avons déjà constaté que les historiens Arméniens contemporains eux-mêmes ont raconté comment les Arméniens avaient accueilli la conquête seidjoukide : par des fêtes et des actions de grâces pour remercier le Seigneur de les avoir délivrés de l'oppression Byzantine. Les Seidjoukides protégèrent l'Eglise Arménienne que les Byzantins avaient essayé d'éliminer. Ils abolirent les impôts excessifs que les Byzantins avaient imposés aux églises, aux monastères et aux prêtres Arméniens et exemptèrent en fait ces institutions religieuses de toute taxe.
La communauté Arménienne put diriger à son gré ses propres affaires, y compris les activités religieuses et éducatives, et jamais les Arméniens, pas plus que les autres non-musulmans, ne furent contraints à se convertir à l'Islam. D'ailleurs, les chefs spirituels Arméniens se déplacèrent pour remercier le Sultan Seldjoukide Malek Chah de sa protection. C'est encore l'historien Arménien Mathieu d'Edesse qui nous dit dans sa chronique no 129:
"Le cœur de Malek Chah est plein d'amour et de bonté envers les chrétiens; il a très bien traité les fils de Jésus-Christ et il a apporté au peuple Arménien la richesse, la paix et le bonheur."
Après la mort du Sultan seidjoukide Kiliç Arslan, le même chroniqueur écrit: "La mort de Kiliç Arsian a plongé les chrétiens dans le deuil car c'était un homme charitable et d'un caractère supérieur."
On trouve une autre illustration de cette bonne entente dans la libre conversion à l'Islam de quelques familles appartenant à la noblesse Arménienne, la famille Tashirk par exemple, et dans l'appui qu'elles apportèrent à la lutte des Turcs contre Byzance.
La coutume Turque et le droit coranique exigeaient que les non-musulmans soient bien traités dans l'Empires Turc et musulman. C'est pourquoi les conquérants Turcs passèrent des accords avec leurs sujets non-musulmans selon lesquels ces derniers acceptaient le statut de "zhimmi" qui, en retour du respect de l'ordre établi et du versement d'impôts, leur accordait la protection de leurs droits et de leurs traditions.
Des populations de religions différentes furent ainsi traitées avec une tolérance inconnue jusqu'alors, qui se reflétait dans les philosophies basées sur la bienveillance et les valeurs humanitaires professées par des penseurs comme Younous Emré et Meviana Djelaleddin Roumi, célèbres dans le monde islamique pour la largeur d'esprit, de devises telles que "Une seule et même attitude à l'égard des 72 nations différentes" ou "Soyez les bienvenus qui que vous soyez et quelles que soient vos croyances".
Un tel comportement était en nette opposition aux traitements cruels que les souverains et conquérants chrétiens ont souvent réservés aux chrétiens d'autres sectes et à fortiori aux non-chrétiens, Musulmans ou Juifs, comme en témoignent les persécutions de Byzance contre les grégoriens Arméniens, les persécutions de Venise contre les habitants grecs orthodoxes de Morée et des îles égéennes ou les persécutions Hongroises contre les Bogomiles.
L'établissement et l'expansion de l'Empire Ottoman, et en particulier la destruction du pouvoir byzantin après la conquête de Constantinople par Mehmet II le Conquérant en 1453, ouvrirent une ère nouvelle de prospérité religieuse, politique, sociale, économique et culturelle pour les Arméniens comme pour les autres peuples musulmans ou non-musulmans du nouvel Etat. Le tout premier souverain Ottoman, Osman 1er (1300-1326), autorisa les Arméniens à créer leur premier centre religieux en Anatolie Occidentale, à Kûtahya, pour les protéger de l'oppression Byzantine.
Ce centre fut transféré par la suite, comme la capitale de l'Empire Ottoman, d'abord à Bursa (Brousse) en 1326 puis à Istanbul en 1461 où l'établissement du Patriarcat Arménien, sous l'autorité du Patriarche Hovakim et de ses successeurs fut confirmé par un décret de Mehmet II le Conquérant . Il s'en suivit l'émigration de milliers d'Arméniens d'Iran, du Caucase, de l'Anatolie Centrale ou Orientale, des Balkans et de la Crimée qui vinrent s'établir à Istanbul, non parce qu'ils fuyaient la répression ou la persécution mais parce que le grand conquérant Ottoman avait fait de son empire le vrai centre de la vie Arménienne. C'est donc grâce à l'expansion et à la prospérité de l'Empire Ottoman que la communauté et l'Eglise Arméniennes purent elles aussi se développer de façon florissante.
Les Arméniens Grégoriens de l'Empire Ottoman furent organisés, comme les autres groupes religieux les plus importants, en communautés (millet) placées sous l'autorité de leurs propres chefs religieux. C'est ainsi que le décret relatif à l'établissement du Patriarcat Arménien à Istanbul précisait que le Patriarche était non seulement le chef spirituel des Arméniens, mais aussi leur chef temporel. Les Arméniens jouissaient des mêmes droits que les Musulmans mais ils bénéficiaient en outre de certains privilèges au premier rang desquels venait l'exemption de service militaire.
Les Arméniens et les autres populations non-musulmanes payaient Généralement les mêmes impôts que les sujets musulmans, exception faite pour la capitation (Haraç) à laquelle ils étaient soumis en substitution des impôts levés par l'Empire sur la base du droit coranique des sujets musulmans : l'impôt de solidarité (Zakat) et la dîme (Ôsùr). Les chefs religieux de la communauté Arménienne établissaient eux-mêmes l'assiette de l'impôt, le collectaient et reversaient les sommes perçues au Trésor de l'Empire.
Les Arméniens étaient autorisés à créer des fondations religieuses (vakif) destinées à fournir l'apport financier nécessaire à leurs activités religieuses, culturelles, éducatives et charitables; si besoin était le Trésor Ottoman accordait une aide financière aux institutions Arméniennes poursuivant ces activités tout comme au Patriarcat Arménien lui-même. Ces fondations Arméniennes fonctionnent encore dans la République Turque d'aujourd'hui et contribuent de façon substantielle au fonctionnement de l'Eglise Arménienne.
Les lois Ottomanes rangeaient tous les sujets chrétiens qui n'étaient pas des Grecs orthodoxes dans la communauté des Arméniens grégoriens. C'est ainsi que les Pauliciens et les Jacobites d'Anatolie tout comme les Bogomiles et les Gitans des Balkans étaient recensés comme Arméniens, ce qui provoqua ultérieurement des dissensions quant au total réel d'Arméniens établis effectivement à l'intérieur de l'Empire.
La communauté Arménienne se développa et prospéra grâce à la liberté que lui accordaient les Sultans. En même temps, les Arméniens partageaient, tout en y contribuant, la culture, les moeurs et coutumes, le train de vie de la société Turco-Ottomane, et ce, à tel point qu'au cours des siècles ils gagnèrent le crédit et la confiance des Sultans et méritèrent d'être désignés comme "la communauté loyale". Les Arméniens Ottomans devinrent des banquiers, des négociants et des industriels extrêmement riches et s'élevèrent à de hautes positions dans l'administration impériale.
Au XIXe siècle, par exemple, vingt-neuf Arméniens accédèrent au rang de pacha, suprême degré dans la hiérarchie gouvernementale. Il y eut vingt-deux ministres Arméniens, parmi lesquels des Ministres des Affaires Etrangères, des Finances, du Commerce et des Communications; d'autres Arméniens jouèrent par ailleurs un rôle capital dans les domaines de l'agriculture, du développement économique et du recensement. Il y eut aussi trente-trois représentants Arméniens élus et nommés au Parlement constitué après 1876, sept ambassadeurs, onze consuls généraux ou consuls, onze professeurs d'université et quarante et un officiers de haut rang.
Au cours de l'histoire, les Arméniens contribuèrent également de façon notable à l'art, à la culture et à la musique de la société Turco-Ottomane, produisant des artistes de premier rang qui étaient la gloire et la fierté des Turcs tout autant que des Arméniens. La première imprimerie Arménienne fût établie dans l'Empire Ottoman au XVIe siècle.
Les Arméniens, les Turcs et de nombreuses autres races vécurent ainsi pendant des siècles dans la paix et la confiance, sans que personne se plaignît vraiment du système ou de l'administration Ottomane grâce à laquelle cet état de choses était possible. Il est vrai que, de temps en temps, des problèmes surgirent au sein des communautés. Des disputes à propos de l'élection du Patriarche opposèrent les Arméniens "indigènes" en provenance de l'Anatolie et de la Crimée et les Arméniens "orientaux" ou "étrangers" en provenance de l'Iran et du Caucase.
Les deux groupes s'accusèrent souvent l'un l'autre devant le gouvernement Ottoman en vue d'obtenir l'appui de ce dernier en faveur de leurs candidats et de leurs intérêts, tout en se plaignant des Ottomans quand cet arbitrage ne leur était pas favorable, bien que la tradition Ottomane insistât sur la nécessité de maintenir une neutralité stricte entre les factions. La victoire progressive des "Orientaux" entraîna la nomination de laïques à la dignité de Patriarche, la corruption et les abus de pouvoir au sein de la communauté Arménienne et des heurts sanglants entre les groupes politiques opposés. Ces conflits obligèrent le gouvernement Ottoman à intervenir pour empêcher les Arméniens de s'entre-tuer.
Les discordes internes ainsi que le déclin Général des normes religieuses au sein de la communauté grégorienne amenèrent beaucoup d'Arméniens à faire bon accueil à l'enseignement des missionnaires catholiques et protestants envoyés dans l'Empire Ottoman au XIXe siècle par de grandes puissances, ce qui provoqua ultérieurement la création à leur profit de communautés séparées. Les dirigeants Arméniens demandèrent au gouvernement Ottoman d'intervenir et d'empêcher ces conversions mais les Ottomans se récusèrent en disant qu'il s'agissait d'un problème interne dont la solution relevait de la communauté et non de l'Etat. Des luttes sanglantes s'en suivirent durant lesquelles les Patriarches grégoriens Tchouhadjian et Tahtadjian allèrent jusqu'à excommunier et bannir tous les Arméniens protestants .
Plus tard, de violents conflits apparurent entre les Arméniens catholiques quant à la nature de leurs relations vis-à-vis du Pape, celui-ci excommuniant tous ceux qui n'acceptaient pas sa suprématie. Là encore les Ottomans furent obligés de s'interposer et de réconcilier les deux groupes catholiques en 1888. La liberté et la grande tolérance dont bénéficiaient les non-musulmans étaient à tel point notoires que l'Empire des Sultans devint un refuge important pour tous ceux qui fuyaient les persécutions politiques ou religieuses.
Refuge pour les Juifs, à commencer par les milliers d'entre eux qui fuirent la persécution après la reconquête de l'Espagne en 1492, puis pour les rescapés des nombreux pogromes qu'ils avaient à affronter en Europe centrale ou orientale et en Russie. Il en alla de même pour les catholiques et les protestants qui se mirent souvent au service des Sultans et apportèrent des contributions importantes à la vie gouvernementale et militaire Ottomane. Beaucoup de réfugiés politiques cherchèrent aussi la protection de l'Empire Ottoman lors de la répression qui suivit les révolutions de 1848 en Europe.
Affirmer que les Ottomans ont opprimé les non-musulmans en Général et les Arméniens en particulier est donc faux comme le prouve l'histoire et comme en témoignent des dizaines d'historiens et écrivains, des Arméniens Asoghik et Mathieu d'Edesse à Voltaire, Lamartine, Claude Farrère, Pierre Loti, Noguères, Ilone Caetani, Philip Marshall Brown, Michelet, Sir Charles Wilson, Politis, Arnold, Bronsart, Roux, Grousset, Edgar Granville, Gamier, Toynbee, Bernard Lewis, Shaw, Priée, Lewis Thomas, Bombaci, etc., dont certains ne passent pas particulièrement pour être pro-Turcs. Bornons-nous à donner quelques citations:
Voltaire: "Le grand Turc gouverne dans la paix vingt nations de religions différentes. Les Turcs ont montré aux chrétiens comment être modéré dans la paix et clément dans la victoire."
Philip Marshall Brown: "Malgré la grande victoire qu 'ils ont remportée, les Turcs ont généreusement accordé aux peuples des régions conquises la liberté de s'administrer eux-mêmes selon leurs lois et leurs traditions."
Politis, qui était Ministre des Affaires Etrangères dans le gouvernement grec dirigé par le Premier ministre Vénizélos: "Les droits et les intérêts des Grecs vivant en Turquie ne peuvent être mieux protégés par personne que par les Turcs:"
J.W.Arnold: "II est historiquement indéniable que les armées Turques ne se sont jamais immiscées dans les affaires religieuses et culturelles des pays qu'elles avaient conquis."
Bronsart, Général Allemand: "'Sauf contrainte contre leur nature, les Turcs sont le peuple le plus tolérant du monde à l'égard des religions autres que la leur." Même lorsque Napoléon Bonaparte chercha à soulever les Arméniens catholiques de Palestine et de Syrie pour appuyer son invasion de 1798 -1799, son ambassadeur à Istanbul, le Général Sébastian, lui répliqua: "Cela est impossible tant les Arméniens sont satisfaits de leur vie ici."
(3)MATHIEU D'EDESSE; Chronicles, No.129. (4)URAS, Esat; Tarihte Ermeniler ve Ermeni Meselesi, 2e édition, Istanbul, 1976, p. 149. (5)Facts from thé Turkish Arméniens, Jamanak, Istanbul, 1980, p. 4 et K.OÇAÇ, Sadi; Tarih Boyunca Ermenilerve Turk - Ermeni iliskileri, Ankara, 1967, pp. 92 -115. (6)SCHEMSI, Kara; Turcs et Arméniens devant l'Histoire, Genève, Imprimerie Nationale, 1919, p. 19.